C'était un jour de novembre, identique à ceux qui avaient précédé. Un jour de novembre ensoleillé mais attaqué de toute part par la brume qui menaçait de nous envelopper. Demain, il pleuvrait paraît-il !

Ma chienne et moi, nous descendions gaiement la rue de la Combe qui, comme son nom l'indique, mène à une petite vallée, où coule tout doucement le Séran, rivière au lit pierreux, souvent à sec,  fait de marmites qui, quand il pleut, se remplissent de l'eau d'un torrent devenu impétueux. Ces marmites servaient parfois de baignoires aux habitants de mon village  qui, munis d'un savon et d'une serviette se lavaient dans l'eau glacée, m'a t-on raconté ce jour. Ils n'étaient pas frileux !

Cette fois, c'était calme et j'en ai profité pour écouter sur mon téléphone  des nocturnes de Chopin. Entre chacune des pièces s'invitent en général des publicités envahissantes que je m'empressais de supprimer.

Chopin, c'est tout un monde pour moi, celui de l'enfance, celui de la nuit quand les enfants sont couchés et qu'enfin les parents peuvent penser à eux. Plusieurs soirs par semaine, mon père s'installait au piano,  un beau quart de queue au bois clair dont j'aimais suivre les courbes de la main, la matière était douce,  le bois ciré sentait bon et en me penchant, je pouvais voir les cordes bien alignées  et les petits marteaux qui les frappaient au rythme des doigts qui couraient sur le clavier.

 

Mais revenons au soir.

De mon lit, j'écoutais la musique, souvent des nocturnes de Chopin mais aussi bien d'autres morceaux. Un petit concert pour moi, qui durait peut-être une heure, guère plus. Puis c'était le silence et mes parents allaient se coucher sans oublier de refermer ma porte que j'avais laissée entrebâillée.

C'est alors que, parfois, ça commençait!

Un homme montait l'escalier.

Je l'entendais faire craquer les marches, étonnée que mes parents ne réagissent pas. Il pénétrait dans ma chambre noire sans que je le voie  et allait se cacher derrière les double-rideaux à rayures bleues et blanches sur le bord desquels il était écrit: "Romanex, Grand teint, Lavage, Garantie Boussac", à moins que ce ne fut sous mon lit. Le rideau ne bougeait pas, aucun bruit,  hormis celui de quelques voitures passant dans la rue. Seule, j'écoutais, angoissée, le silence de ma chambre que je cherchais à percer les yeux grands ouverts. Cet homme, car ça ne pouvait être qu'un homme, je ne le connaissais pas,  il n'avait pas de visage. Il attendait que je m'endorme, patient, sans bouger. Je n'osais crier et d'ailleurs je ne le pouvais pas, j'étais tétanisée. Mais lui, guettait. Enfin l'angoisse au ventre mais épuisée par l'attente d'un "je ne sais quoi", je m'endormais comme une masse. Au matin, il était parti !

Mais maintenant, les angoisses de l'enfance m'ont quittée,

c'était donc une balade au milieu des champs de maïs coupés. La chienne se gavait d'épis oubliés, malgré mes injonctions d'arrêter,  il fallut que je la mette en laisse! 20 fois je me suis pris les pieds dans les tiges de maïs séchées et durcies  et 20 fois j'ai manqué de tomber.

Enfin ce fut la forêt, le Séran que l'eau avait oublié et la beauté des arbres de l'automne, des feuilles jonchaient le sol en une couverture mordorée. Et c'est là que Chopin fut le plus beau, dans le silence tout relatif des bois,  au milieu de cette nature chaude et des arbres en or.

Au diable les angoisses enfantines, profitons !...

 

(Photos du téléphone du 11 novembre 2024)

Plongez-vous dans une de ces photos et écoutez...

Chopin

 

 

 

 

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