Il y a 74 ans, vers 8h00 du matin, je sortais du ventre de ma mère,

après un accouchement difficile qui nécessita de l'endormir au dernier moment.

Enfer et damnation, je n'étais pas un garçon, souhait de ma génitrice,

qui, sous l'emprise des produits anesthésiants invectiva le chirurgien accoucheur,

à l'annonce du sexe de son bébé.

J'avais le malheur d'être la 4ème de 4, il n'y en aurait pas d'autres et je n'avais qu'un frère.

3 filles pour un garçon, quel manque d'équilibre.

J'ai fait mieux, j'ai eu moitié-moitié !

En plus, m'ayant mise en contrejour car n'ayant point de cheveux sur la tête,

ma mère se persuada que je serais peut-être rousse, rouquine quoi !

Il y en avait dans la famille paternelle, raison de plus pour ne pas en avoir chez soi, n'est-ce pas ?

A l'époque, les enfants roux avaient tout pour déplaire jusqu'à la réputation de sentir mauvais !!!

Ma mère a dû se rassurer par la suite, je n'étais pas "rouquine" et je sentais bon.

Mes premières semaines furent comme tous les bébés, rythmées par biberons de lait, dodo, pleurs.

A l'époque, le lait à la demande n'était pas de mise, la faculté avait dit que 3 heures entre chaque biberon était idéal,

ce qui pouvait être justifié par le fait qu'on n'avait pas encore tous les laits sophistiqués de maintenant

et que les bébés non nourris au sein (ma mère n'avait pas de lait),

se devaient de digérer le lait de vache coupé.

Alors on respectait cela et la nuit, pas question de nourrir bébé, c'était biberon d'eau sucré !!!

ça ferait hurler maintenant mais qui sait ? la roue tourne, on y reviendra peut-être...

Mais la vie permet parfois quelques retournements et celui que je vais narrer,

permit à Maman enfin, sans doute, de m'aimer malgré sa désillusion, peut-être non digérée.

A l'âge d'un peu moins de 6 semaines, je me mis à vomir mes biberons, le lait ne passait pas

et je maigrissais et dépérissais à vue d’œil.

Un spécialiste appelé d'urgence demanda qu'on me nourrisse, puis on me coucha, nue sur le lit

et Monsieur le docteur spécialiste vit, ce qu'il voulait voir : pas de doute, sténose du pylore.

Il fallait m'opérer au pus vite, opération délicate car, à l'époque on n'anesthésiait pas les nourrissons.

Le jour prévu de mon opération, voilà-t-il pas que ma sœur aînée fut prise de maux de ventre.

Crise d'appendicite avec péritonite.

Le chirurgien se chargea donc de l'opérer en premier,

tandis que je hurlais dans mon berceau en proie à une faim terrible (enfin, j'imagine).

Ce fut mon tour, anesthésie locale, ficelée solidement sur la table, tétine dans le bec,

on coupe, on répare et on referme mais comme il fallait faire vite,

pas question de fignoler la cicatrice. En plus, au milieu de l'intervention,

je fis ma maligne, je hurlai (ben j'aurais voulu vous y voir, vous).

Pas trop content le docteur, qui me cria : "ta gueule! (enfin c'est l'histoire qu'on me raconta par la suite)

Le résultat, une grande cicatrice sur le ventre qui a grandi avec moi et dont je suis très fière.

Longtemps je restai difficile à nourrir et il fallut beaucoup de patience et aussi d'autorité,

pour me faire accepter  les purées de légumes, viandes... jusqu'à un âge assez avancé.

 

Photo de 1949 quelques mois avant ma naissance, je suis bien cachée dans le ventre de ma mère.

Pour la petite histoire, encore, ce fut ma sœur aînée qui fut ma marraine,

et on lui demanda comment il fallait m'appeler : Martine ou Isabelle ?

Elle choisit Martine, Isabelle serait le prénom de sa poupée.

(j'aurais préféré Isabelle)

1950, quelques mois après, au fond du jardin.

 Voilà mon gâteau d'anniversaire

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